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Dans quelle mesure les startups et les grandes entreprises peuvent-elles coopérer de manière fructueuse ? Cet article traite de l’importance de l’innovation dans un contexte de mutations technologiques, économiques, sociétales et politiques rapides. Il souligne que bien que les startups puissent menacer les grands groupes, ces deux acteurs ont souvent intérêt à s’allier pour innover de concert. Cependant, la gestion de l’interdépendance et le partage de la valeur créée peuvent être de véritables défis, en raison notamment des différences culturelles et de processus de gestion très distincts. La confiance mutuelle et la création de liens sont alors essentielles pour surmonter ces obstacles et créer des collaborations fructueuses en matière d’innovation.

E. Krieger

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Nous vivons une période historique où les mutations technologiques, économiques, sociétales et politiques, s’enchaînent un rythme plus soutenu que jamais. La réduction des coûts et des délais de traitement et de transmission de l’information, facilite la création de centaines de milliers d’entreprises venant éroder les rentes de situation d’entreprises existantes. Ainsi va la destruction créatrice chère à Schumpeter et aux entrepreneurs-innovateurs.

De nombreux groupes industriels sont tétanisé par cette situation, car ils craignent, à raison, de se faire « disrupter » par des startups qui cassent les codes traditionnels et imposent un rythme difficile à suivre quand il est vrai qu’on a rarement vu un super tanker courser un hors-bord.

Grands groupes vs startups : la régate des supertankers et des hors-bords

La réalité est plus complexe car les startups ont souvent intérêt à s’allier aux grands groupes pour se développer plus rapidement et vice versa. L’innovation n’a en effet que peu de choses à voir avec une fulgurance, si brillante soit-elle. C’est un processus opiniâtre qui aboutit à la rencontre d’une nouveauté et d’un marché, ce qui correspond à la définition, même de l’innovation, proposée par l’OCDE dans son fameux manuel d’Oslo.

L’innovation y est en effet définie comme « l’ensemble, des moyens de différenciation technologiques, méthodologiques ou créatifs, qui permet de développer de nouveaux services, procédés aux produits concurrentiels sur des marchés solvables ». L’OCDE enfonce le clou en autant que « l’innovation est liée à une production, se différenciant ainsi de l’invention ou de la découverte. Elle suppose un processus de mise en pratique aboutissant à une utilisation effective, processus a priori ne relevant pas de la recherche ou du développement expérimental ».

Trop de process tue le business

Une alliance avec un grand groupe peut avoir du sens, mais beaucoup d’initiative achoppent devant l’épineux problème de la gestion de l’interdépendance et la question du partage de la valeur créée. La difficulté n’est pas simplement de répartir équitablement les marges et les risques liés à l’exploitation : tout ou presque sépare souvent une startup est grand groupe, à commencer par la culture et les processus de gestion.

Un grand groupe peut être vu comme une (vieille) start-up, qui a réussi à croître et qui doit son succès à des offres compétitives et à la mise en place de processus très élaborés de gestion des risques techniques commerciaux, financiers et juridiques. L’ennui c’est que ce formalisme devient souvent sclérosant puisque « trop de process tue le business ». Il est donc aussi tentant que difficile de trouver des espaces de coopération entre startups et grands groupes, où chaque acteur apporterait ce qu’il sait faire de mieux.

Créer la confiance pour dépasser les clivages habituels

C’est là qu’intervient une dimension essentielle du management de l’innovation, à savoir la confiance que les équipes d’une startup et celles de son interlocuteur « corporate » peuvent et doivent développer pour dépasser la logique du pot de terre et du pot de fer. D’où l’importance au sein des réseaux d’innovation, des organismes-catalyseurs qui facilitent le développement de liens de confiance entre les membres d’un même cluster.

Au-delà de la circulation des idées, ces organismes-catalyseurs, qui reposent sur l’action de quelques animateurs clés, facilitent les rencontres entre décideurs et rendent acceptable la prise de risque qui implique le développement conjoint d’une offre innovante. De fait, l’envie de travailler ensemble précède souvent un projet de collaboration au sens strict.

Gestion de l’interdépendance et partage de la valeur et des risques

En matière d’innovation, l’enjeu est alors de créer une communauté de destin, de partager les risques est la valeur créée et de gérer l’interdépendance qui en découlent.

Tout cela n’est possible que grâce à une grande confiance réciproque. Votre succès dépendra de votre capacité à créer des liens d’autant plus subtils que les principaux acteurs d’un écosystème d’innovation. Souvent mondiale ne partage pas nécessairement le même référentiel culturel.

Le génie génétique a donc de l’avenir : pour créer les licornes de demain, nous devons réussir à marier la carpe et le lapin.

Adapté de Krieger E. (2017) « La licorne, la carpe et le lapin », Le Figaro, 06/12/2017.