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S’associer est quasiment un passage obligé lorsque l’on crée une entreprise innovante. Mais à qui et comment ? Cet article souligne l’importance de la collaboration et de la diversité des profils dans la création d’entreprises innovantes. Seulement 11% des startups sont dirigées par une seule personne, tandis que 72% impliquent deux ou trois associés opérationnels. Il est crucial de choisir des associés complémentaires en termes de compétences et de personnalités pour maximiser le succès. La répartition équitable du capital, la connaissance mutuelle, la résolution proactive des conflits et la capacité à unir des profils différents sont essentielles pour une entreprise prospère.

E. Krieger & AC. Lethbridge

Adapté de Krieger E. & Lethbridge AC. (2017) « Le succès repose sur l’alchimie de l’équipe dirigeante », Le Figaro Entrepreneurs, 04/05/2016.

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L’adage africain selon lequel « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin » s’applique parfaitement aux entrepreneurs. La création d’une entreprise innovante est rarement le fait d’une seule personne, à cause de la diversité des tâches et des compétences requises.

Une étude réalisée auprès de 166 créateurs et dirigeants de jeunes entreprises innovantes a montré que seules 11% des startups étaient dirigées par une personne prenant l’ensemble des décisions stratégiques. Dans 72% des cas, ces décisions sont prises par deux ou trois associés opérationnels. A contrario, une startup ne s’apparente pas non plus à une armée mexicaine puisque les décisionnaires sont rarement plus de cinq.

Ne pas s’associer à des clones !

L’un des principaux enjeux est de réunir des associés complémentaires, qui partagent une vision, des valeurs et des objectifs sinon similaires du moins compatibles. En revanche, il n’est guère opportun de s’associer à des clones, qui auraient les mêmes compétences et la même personnalité. Le fondateur est ainsi confronté à la nécessité d’associer des profils différents, alors que ces profils vont simultanément générer des synergies et des antagonismes. C’est sur la capacité à dépasser ces derniers que reposera une grande partie du succès.

La répartition du capital initial découle notamment de l’implication personnelle et des compétences respectives. Elle doit être motivante et équitable afin que les fondateurs s’engagent pleinement dans l’aventure entrepreneuriale, lorsque l’incertitude est maximale et que les sacrifices consentis en matière de rémunération sont élevés. Sans surprise, nous avons trouvé que les fonctions les plus valorisées étaient relatives au développement de l’offre et à sa commercialisation. Le couple R&D-production obtient ainsi en moyenne 41% du capital, suivi de près par le tandem marketing-vente, qui s’arroge 39% des parts. Dans les faits, la direction générale est souvent assurée par un fondateur disposant d’une compétence technique ou commerciale.

Complémentarité des compétences et des tempéraments

S’il n’est pas trop difficile d’évaluer les compétences « techniques » d’un associé potentiel, l’appréciation d’un profil psychologique et de sa compatibilité avec les autres membres de l’équipe est un exercice autrement plus complexe. Un entraîneur sportif sait bien que l’on compose rarement la meilleure équipe du monde avec les meilleurs joueurs du moment, surtout lorsqu’ils se prennent pour des divas, phénomène que l’on rencontre autant dans le monde de l’entrepreneuriat que du football, où la modestie et l’ataraxie ne sont pas toujours de mise.

Avant de s’embarquer avec d’autres personnes dans l’aventure d’une startup, il convient d’apprendre à se connaître, d’échanger sur les critères de succès et de renforcer les relations de confiance au sein de l’équipe. Cette connaissance réciproque se forge rapidement dès lors que l’équipe s’attelle à définir les premières étapes du développement de l’entreprise et se répartit les chantiers scientifiques, techniques, commerciaux, financiers et administratifs qui en résultent.

Valider l’implication et ne pas éluder les sujets clés

Cet exercice permet souvent d’identifier ceux qui s’impliqueront réellement dans le développement de l’entreprise, au-delà des beaux discours et des déclarations d’intention. Un associé s’impliquant « à ses heures perdues » risque fort de compromettre la dynamique du groupe. D’où l’intérêt de ne pas s’associer trop vite et, a fortiori, sur un malentendu. Mieux vaut ne jamais éluder les questions essentielles car cela peut aboutir à des catastrophes si l’on se rend compte, plus tard, que l’on diverge sur une vision et des objectifs fondamentaux.

L’anticipation des difficultés et la gestion des conflits sont ainsi l’apanage des équipes entrepreneuriales. Tant mieux si on rencontre rapidement des difficultés. Lorsqu’elles sont abordées de manière constructive, elles font grandir l’équipe au moins autant que les succès !

Raison et équilibre des passions

Il y a deux siècles, le philosophe d’Holbach postulait que la raison était l’équilibre des passions : cette maxime s’applique à beaucoup d’entrepreneurs qui, en jetant un défi à la réalité, réussissent à donner un cap à leur équipe, de l’énergie ainsi que du sens à l’action.

La capacité à fédérer des profils aussi différents que des personnes créatives, organisées, calmes, impétueuses, empathiques ou charmeuses permettra de créer une entreprise à nulle autre pareille, susceptible de proposer une offre inédite à un segment de marché dument identifié. Plutôt que la métaphore du dirigeant chef d’orchestre, nous préférons celle de l’animateur d’un groupe de jazz, où une poignée d’interprètes semble se coordonner sans efforts et nous subjugue grâce à des improvisations audacieuses qui relèvent, in fine, du talent et du plaisir de créer ensemble.